L’origine du film L’Enfant repose sur une image marquante : une jeune femme blonde, seule, poussant son enfant d’un geste brusque et presque sauvage, comme si elle voulait simultanément s’en débarrasser et le garder. Cette vision a profondément marqué les réalisateurs, qui y ont vu une réflexion sur la parentalité, le lien mystérieux entre parents et enfants, et la difficulté d’assumer une telle responsabilité. Ils se sont interrogés sur la façon dont un jeune homme immature, détaché de tout, vivant dans l’immédiateté et sans ancrage, pourrait réagir face à la paternité. L’absence d’une figure paternelle auprès de cette femme a renforcé leur impression qu’il manquait quelque chose dans cette scène, les poussant à développer l’histoire du film autour de cette absence fondamentale. Le personnage de Bruno incarne cette insouciance extrême, cette instabilité qui le rend capable de changer d’avis à tout moment, sans se sentir véritablement concerné par les conséquences de ses actes. Les scénaristes ont même envisagé de le faire mourir dans l’histoire, estimant que cela ne l’aurait pas affecté plus que ça. Le tournage a été conçu dans une logique de captation d’un comportement plutôt que d’une performance jouée. Loin de demander aux acteurs d’exprimer une intériorité ou une émotion préconçue, ils ont cherché à capter un naturel, une vérité, en répétant des mouvements et des gestes jusqu’à ce qu’ils deviennent instinctifs. Cette approche rappelle celle de Robert Bresson, où l’authenticité prime sur le jeu traditionnel. La caméra, selon eux, est impitoyable et détecte immédiatement toute artificialité, d’où l’importance de travailler les déplacements corporels des acteurs pour révéler une vérité brute à l’écran.