Cette semaine, encore une fois, épisode un peu particulier : on va parler des législatives. Comme pour la dissolution, pour ceux qui ne sont pas experts en sciences politiques, ce n'est pas évident à comprendre. Le premier point notable est le "drama" dans tous les partis. Au niveau des batailles d'idées, la campagne n'est pas très impressionnante. Quand il s'agit de trouver 577 candidats, de fabriquer un programme de gouvernement et de le confronter à ceux des autres partis en seulement 2 semaines, cela marche forcément moins bien. "Je dissous donc ce soir l'Assemblée nationale. Cette décision est grave, lourde, mais c'est avant tout un acte de confiance en notre démocratie : que la parole soit donnée au peuple souverain, rien n'est plus républicain."
On pourrait toutefois remarquer que si le but était de faire vivre la démocratie, une annonce de dissolution en septembre aurait laissé du temps pour une campagne adéquate, des affrontements de visions du monde, et aurait évité la confusion dans un contexte déjà perturbé par les Jeux Olympiques. Peut-être que cette précipitation démocratique a des avantages que nous ne percevons pas encore. Sur le fond, cette campagne est un "trou noir". Les partis se concentrent inévitablement sur la tactique, les accords entre formations politiques, et le désistement stratégique.
Cette semaine, encore une fois, épisode un peu particulier : on va parler des législatives. Comme pour la dissolution, pour ceux qui ne sont pas experts en sciences politiques, ce n'est pas évident à comprendre. Le premier point notable est le "drama" dans tous les partis. Au niveau des batailles d'idées, la campagne n'est pas très impressionnante. Quand il s'agit de trouver 577 candidats, de fabriquer un programme de gouvernement et de le confronter à ceux des autres partis en seulement 2 semaines, cela marche forcément moins bien. "Je dissous donc ce soir l'Assemblée nationale. Cette décision est grave, lourde, mais c'est avant tout un acte de confiance en notre démocratie : que la parole soit donnée au peuple souverain, rien n'est plus républicain."
On pourrait toutefois remarquer que si le but était de faire vivre la démocratie, une annonce de dissolution en septembre aurait laissé du temps pour une campagne adéquate, des affrontements de visions du monde, et aurait évité la confusion dans un contexte déjà perturbé par les Jeux Olympiques. Peut-être que cette précipitation démocratique a des avantages que nous ne percevons pas encore. Sur le fond, cette campagne est un "trou noir". Les partis se concentrent inévitablement sur la tactique, les accords entre formations politiques, et le désistement stratégique.
La politique politicienne fait donc partie du jeu, mais si elle monopolise le débat, cela devient excluant pour les citoyens. Ces derniers aimeraient voir des discussions sur le fond. Nous sommes donc obligés de patienter. En réalité, la seule question de fond soulevée par les médias ces deux dernières semaines concerne la mise sur le même plan de LFI et du RN. "Nous avons des alliances contre nature aux deux extrêmes. Si les extrêmes venaient à gagner ces élections, ce serait une catastrophe pour la vie des Français." Peut-on vraiment comparer la gauche ou l'extrême gauche à l'extrême droite ? C'est une question cruciale pour comprendre les législatives.
Dans cet épisode, on aborde une question politique sensible : l'extrême droite et l'extrême gauche. Ces sujets sont complexes, et même en essayant d'être neutre, la neutralité complète n'existe pas. Cependant, l'effort doit porter sur la bonne foi et l'honnêteté intellectuelle, tout en encourageant l'esprit critique des auditeurs. Après consultation du Premier ministre, du président du Sénat et du président de l'Assemblée nationale, la décision de dissoudre l'Assemblée a été prise. Rappelons brièvement le contexte : avant ces législatives, lors des élections européennes, le RN avait remporté un succès important.
Lors des élections européennes, le RN avait obtenu des scores impressionnants, emportant jusqu'à 29 à 30 sièges à Bruxelles. Pour Jordan Bardella, ce succès était une consécration, tandis que pour Emmanuel Macron, c'était un revers sévère. Macron a réagi en convoquant la presse et en appelant au rassemblement contre les "deux extrêmes". Cela s’est suivi par des accords de dernière minute, y compris l'exclusion d'Éric Ciotti des Républicains après un accord avec le RN. À gauche, socialistes, écologistes, communistes et insoumis ont formé un front uni, menant à des accords de répartition des circonscriptions.
Le RN, de son côté, arrivait en tête dans les sondages, avec des intentions de vote atteignant 34 %. Cette avance ouvrait la voie à une possible victoire, symbolisant un changement majeur dans la scène politique française. "La leçon de ce soir, c’est que l’extrême droite est aux portes du pouvoir", s’exclamait-on. La perspective de voir le RN accéder à une majorité à l’Assemblée a soulevé l’inquiétude. Pour contrer cette menace, l’appel à un "barrage républicain" a été lancé. Cette pratique, consistant à soutenir un candidat adverse pour éviter la victoire du RN, a longtemps été une stratégie de la gauche.
Dans le passé, la droite avait parfois hésité à appliquer ce "désistement républicain", mais cela restait un instrument essentiel pour limiter la progression de l’extrême droite. Malgré cela, des divisions subsistent au sein des partis sur cette question. Les législatives en France se distinguent par leur mode de scrutin : uninominal à deux tours. Contrairement à la présidentielle, où seuls les deux premiers accèdent au second tour, aux législatives, tous les candidats obtenant plus de 12,5 % des inscrits passent au second tour. Cela favorise les triangulaires, voire des quadrangulaires.
En 2022, on a assisté à une augmentation significative du nombre de triangulaires, passant de 8 en 2017 à environ 300 cette fois-ci. Cette situation résulte d'une participation accrue et d'une fragmentation des soutiens entre plusieurs blocs politiques. Un exemple typique : un candidat RN avec 35 %, un candidat d'Ensemble avec 25 %, et un candidat du Front populaire avec 20 %. Si tous se maintiennent au second tour, le RN a de grandes chances de l'emporter. Cependant, si le candidat du Front populaire se retire et appelle à voter pour Ensemble, les chances de victoire changent radicalement.
Le désistement stratégique est une tradition à gauche et parfois à droite. Par exemple, lors des élections municipales de 1995, le Parti socialiste s'était retiré dans plusieurs villes pour faire barrage au Front national. Jacques Chirac, figure de la droite, avait également soutenu cette idée. Pourtant, des divergences existaient déjà. Jean-François Copé, président de l'UMP en 2011, avait refusé cette stratégie, tout en rejetant les alliances avec le FN. Cette position a marqué un tournant dans la pratique des désistements républicains. En 2015, l'UMP a de nouveau adopté la ligne du "ni PS, ni FN".
Cette politique du "ni-ni" a consolidé l'idée que droite et gauche étaient sur un pied d'égalité face au FN, refusant les alliances avec la gauche et les désistements en faveur de celle-ci. Certains leaders, comme Valérie Pécresse, avaient exprimé leur opposition au "ni-ni", affirmant que "le PS, ce n’est pas nos idées, le FN, ce n’est pas nos valeurs". À gauche, la stratégie du barrage républicain a été presque systématique, sauf exceptions notables, comme en 2002, lorsque Jean-Marie Le Pen s’était qualifié pour le second tour et que certains partis avaient refusé de soutenir Jacques Chirac.
En 2017, une nouvelle brèche est apparue avec Jean-Luc Mélenchon. Le soir du premier tour, il n'avait pas explicitement appelé à voter pour Emmanuel Macron contre Marine Le Pen, se contentant de dire : "Pas une voix pour le Front national." Cela laissait place à des interprétations : voter blanc ou s’abstenir était devenu acceptable pour certains électeurs de gauche. Ce refus de donner un soutien explicite a contribué à affaiblir la stratégie de barrage républicain. Cela a marqué un tournant, particulièrement dans les milieux de la gauche radicale, sur la façon de s’opposer à l’extrême droite.
Le désistement républicain, qui avait jadis été un acte automatique pour contrer l'extrême droite, a commencé à s'éroder. Cela a été renforcé par l’émergence de la "théorie du fer à cheval", attribuée au philosophe Jean-Pierre Faye. Selon cette théorie, les extrêmes politiques se rejoindraient, suggérant que l'extrême gauche et l'extrême droite partagent des tendances autoritaires. Cette idée, bien qu'elle repose sur des bases discutables, a gagné du terrain au fil des années. L'usage fréquent du terme "populisme", devenu "les populismes", a aussi contribué à associer la gauche radicale et l'extrême droite.
Des analystes et certains médias n'ont pas hésité à placer Jean-Luc Mélenchon sur le même plan que des figures comme Donald Trump ou Viktor Orbán. Cela a renforcé l'idée d'une équivalence entre les "extrêmes". Des dessins satiriques, comme celui de Plantu en 2011, comparaient Mélenchon et Le Pen avec des brassards, mettant en parallèle leurs discours. Cette perception a continué à se propager, influençant l'opinion publique et les discours politiques. Même certaines personnalités non politiques, comme Kylian Mbappé, se sont senties obligées de parler du danger des "extrêmes".
"Les extrêmes sont aux portes du pouvoir", déclarait Mbappé, appelant les jeunes à voter. L’idée selon laquelle l'extrême gauche et l'extrême droite seraient équivalentes est devenue une forme de pensée dominante. Les responsables politiques ont utilisé cette notion pour disqualifier leurs opposants : "Jean-Luc Mélenchon est en dehors de l'arc républicain." Cette assimilation permettait de classifier LFI comme non-raisonnable, évitant ainsi de débattre sur le fond de ses propositions. De l'autre côté, les partis centristes se présentaient comme le "bloc de la raison", en opposition aux "extrêmes".
Cette rhétorique des "extrêmes" servait aussi à légitimer l'abstention de tout désistement républicain. Les partis de droite, notamment, ont pu justifier leur choix de ne pas soutenir un candidat de gauche contre le RN. Pourtant, analyser LFI comme un parti d’extrême gauche est incorrect. Le ministère de l'Intérieur et les chercheurs en sciences politiques classent LFI dans le bloc de gauche, non dans l'extrême gauche. Serge Cosseron, historien spécialisé dans l'extrême gauche, rappelle que l'extrême gauche rejette les institutions, un critère que LFI ne remplit pas.
LFI, contrairement aux partis d’extrême gauche tels que Lutte ouvrière ou le NPA, participe aux institutions et souhaite les réformer de l'intérieur. Jean-Luc Mélenchon, par exemple, prône une "révolution citoyenne" par les urnes, et non par la violence. Sa volonté de créer une 6e République reste dans un cadre légal et institutionnel. LFI peut être critique des institutions actuelles, mais elle les utilise, ce qui la distingue fondamentalement de l'extrême gauche qui prône la rupture radicale avec le système. Les idées de LFI sont donc celles d'une gauche réformiste et non d'une extrême gauche révolutionnaire.
Un autre critère pour évaluer si un parti est extrémiste est son programme. Le programme de LFI contient des propositions audacieuses, comme la retraite à 60 ans, l’augmentation du SMIC, et le rétablissement de l'ISF. Cependant, il est loin d'être comparable aux programmes des partis d'extrême gauche des années 1970, comme celui du PCF en 1981, qui proposait la nationalisation complète des banques et de vastes pans de l'industrie. LFI ne suggère pas de telles mesures aujourd'hui. Comparé au programme commun de François Mitterrand, le programme de LFI paraît même modéré.
Certains reprochent à LFI des positions ambiguës, notamment sur l'antisémitisme. Des critiques ont été formulées envers Jean-Luc Mélenchon pour des déclarations et des participations à des manifestations où des propos antisémites auraient été tenus. Par exemple, la participation de Mathilde Panot à une manifestation où elle a refusé de qualifier le Hamas de "terroriste" a été vivement critiquée. Néanmoins, aucune condamnation légale pour antisémitisme n’a été prononcée contre des membres de LFI. Comparativement, des accusations similaires ont été portées contre d'autres personnalités politiques sans en faire des partis d'extrême.
Les accusations d’antisémitisme envers LFI reposent souvent sur des faits discutables. Par exemple, la critique du CRIF par Mélenchon a été perçue comme une attaque communautariste, mais il a précisé être hostile à tous les communautarismes. Ces accusations n’ont jamais conduit à des condamnations. En revanche, l’atmosphère évoquée par certains médias reste un sujet complexe, mais insuffisant pour classer LFI comme extrême. En comparaison, Jacques Chirac avait tenu des propos ouvertement racistes dans le passé sans que l’ensemble de son parti, le RPR, soit qualifié de raciste.
C’est pourquoi, même si on peut reprocher à LFI une certaine polémique et des choix contestables, la classification en tant que parti d'extrême gauche ne tient pas. Les chercheurs en science politique le confirment, tout comme la lecture de leur programme. LFI critique les institutions, mais les utilise pour proposer des réformes. À l’opposé, le RN se situe clairement dans le spectre de l'extrême droite. Le ministère de l'Intérieur et le Conseil d’État le classent officiellement ainsi. Le RN prône des mesures qui vont à l'encontre de principes constitutionnels, comme la préférence nationale.
Pour comprendre pourquoi le RN est considéré comme un parti d'extrême droite, il faut se pencher sur plusieurs critères, dont le nativisme et la relation à la démocratie. Le nativisme se manifeste par des politiques réservées aux nationaux et le rejet des étrangers. Cette conception exclusive de la société va à l’encontre des valeurs d’égalité. L'autre critère est le rapport à la démocratie. Une démocratie ne se limite pas à des élections ; elle doit garantir les droits fondamentaux et l’État de droit. Les partis d’extrême droite, même s’ils participent au parlementarisme, remettent en question certains de ces principes.
Le RN, par exemple, a proposé des mesures telles que l’expulsion des binationaux coupables de crimes, qui créent deux catégories de citoyens. Cela va contre le principe d’égalité inscrit dans la Constitution française. Historiquement, le RN est lié au Front National, fondé en 1972 par Jean-Marie Le Pen et Pierre Bousquet, ce dernier ayant été membre de la division SS Charlemagne. Le parti n’a jamais renié cette origine, ajoutant un aspect historique important au débat sur sa classification comme parti d'extrême droite.
Les propos de Jean-Marie Le Pen, souvent antisémites et racistes, font aussi partie de cet héritage. "Je ne dis pas que les chambres à gaz n'ont pas existé, mais je crois que c'est un point de détail de l'histoire de la Deuxième Guerre mondiale", avait-il déclaré, ce qui avait choqué et renforcé l’image du FN comme parti d'extrême droite. Bien que Marine Le Pen ait cherché à dédiaboliser le RN, ces éléments historiques restent pertinents pour comprendre la nature du parti. Classer le RN comme extrême droite ne signifie pas que tous ses électeurs partagent ces valeurs, mais que le parti défend des idées associées à ce spectre politique.
Dans le contexte des législatives, la question du désistement républicain et de la lutte contre l’extrême droite reste d’actualité. Contrairement aux élections proportionnelles, le mode de scrutin uninominal à deux tours en France favorise des choix stratégiques, tels que le désistement pour empêcher la victoire du RN. Ce système rend possible des triangulaires ou quadrangulaires, compliquant la répartition des forces. En 2022, environ 300 circonscriptions ont vu des triangulaires, ce qui modifie l’équilibre politique et pousse certains partis à reconsidérer leurs alliances et stratégies de désistement.
Historiquement, la gauche a toujours pratiqué le désistement républicain, appelant à voter pour le candidat le mieux placé contre le FN. À droite, cela a été plus variable. En 1995, lors des municipales, la droite avait parfois choisi de se désister pour faire barrage au FN. Cependant, à partir de 2011, l’UMP, dirigée par Jean-François Copé, a refusé cette stratégie, adoptant la ligne du "ni-ni" : ni alliance avec la gauche, ni désistement en sa faveur contre le FN. Cela a contribué à la complexité actuelle de la politique de désistement.
Aujourd’hui, cette position s’est consolidée à droite, même si des voix discordantes existent. Valérie Pécresse, par exemple, avait déclaré que "le PS, ce n’est pas nos idées, le FN, ce n’est pas nos valeurs", illustrant une position intermédiaire. La gauche, quant à elle, continue de pratiquer le désistement, même si cela reste difficile et parfois critiqué. Lors des législatives actuelles, certaines personnalités de droite ont même refusé d’appeler à voter contre le RN, mettant en avant une opposition aux idées de LFI. Ces choix montrent l’érosion du consensus autour du front républicain.