Jacques Brel, dans cet entretien empreint de poésie et d’introspection, partage sa vision de la scène, de la création artistique et de la condition humaine. Il évoque le contraste entre la vie nomade et celle du sédentaire qu’il admire, tout en reconnaissant la singularité de son existence de chanteur en tournée. La scène, dit-il, est un « phénomène animal », un espace de vulnérabilité et d’authenticité où il cherche constamment à se dépasser. Il ressent une forme de crainte avant chaque performance, non pas la peur de l’échec, mais celle d’être insuffisant ou superflu face au public. Cependant, après chaque concert, il ne reste ni mélancolie ni désenchantement, mais plutôt une profonde fatigue et le désir de se recentrer. L’acte créatif et la quête de sens. Pour Brel, la chanson est une maîtresse exigeante, un métier où chaque mot et chaque note doivent résonner avec vérité. Il décrit son processus d’écriture comme un dialogue avec des personnages qu’il façonne avec soin, jusqu’à connaître leurs origines et leur destinée. Ces figures fictives deviennent des compagnons imaginaires, leur profondeur donnant vie aux chansons. Brel considère la musique comme un défi, un terrain d’exploration où l’on part de rien, comme une triple-croche statique qu’il faut animer. Pour lui, l’art est un lieu où il peut exprimer ses rêves d’enfance, évoquant avec nostalgie les images des gares de triage et les aspirations naïves à devenir un homme. La responsabilité de l’artiste. Lorsqu’on lui attribue le rôle de modèle ou de guide pour la jeunesse, Brel exprime une certaine réserve. Il rejette l’idée d’être un « maître à penser », préférant se considérer comme un « grand frère ». Il insiste sur l’importance de la responsabilité, non seulement pour les artistes, mais pour tous les individus. Chaque geste, chaque parole a un impact, et il appelle à assumer cette responsabilité dans une époque où l’irresponsabilité n’a plus sa place. L’essence de l’art et de la vie. Brel termine en soulignant l’éphémère et l’absurde de la vie, qu’il aborde avec une légèreté désarmante. Pour lui, rien n’est vraiment sérieux, et cette perspective nourrit sa vision de l’art comme un espace de jeu et d’humanité. Dans ses chansons, il célèbre les petits riens, les personnages ordinaires, et les émotions universelles, en quête de cette étincelle qui touche le cœur du public.