Ce documentaire historique sur Paris des années 1960 capte avec une rare acuité les contrastes d’une ville en pleine mutation. Son principal atout réside dans son regard multiple : à travers les voix des travailleurs, des intellectuels, des artistes et des exclus, il dresse un portrait complexe de la capitale. La juxtaposition d’images poétiques et de témoignages bruts permet de saisir la beauté et les désillusions d’une époque marquée par la modernisation, les luttes sociales et les tensions politiques liées à la décolonisation. L’un des moments les plus marquants est l’exploration de la transformation urbaine : les grands ensembles, le déracinement des anciens quartiers et l’impact de l’urbanisme sur la vie quotidienne. La caméra capture avec justesse l’opposition entre la ville historique et celle qui se construit, entre les aspirations à un progrès matériel et la nostalgie d’un Paris plus humain. Le film se distingue aussi par son intérêt pour les anonymes : un ouvrier, une famille de la classe populaire, un jeune Algérien, une détenue, autant de figures qui incarnent les tensions et les espoirs de l’époque. Enfin, ce documentaire brille par sa dimension philosophique et politique. Il ne se contente pas de montrer, il interroge. À travers des scènes de la vie quotidienne, il met en lumière la solitude, l’aliénation du travail, la persistance des inégalités et le rôle grandissant des médias. Paris apparaît comme un microcosme du monde moderne, tiraillé entre son passé et son avenir, entre la liberté rêvée et les réalités imposées.