L'utilisation de l'intelligence artificielle (IA) pour écrire des romans suscite de vives interrogations sur la création artistique et le rôle de l'auteur. En 2024, des outils comme ChatGPT ou Claude permettent de générer des textes, images et musiques, bouleversant le monde littéraire. Certains auteurs publient des livres écrits par IA sans en informer le public, notamment sur des plateformes comme Amazon, où ces œuvres peuvent atteindre les meilleures ventes. La méthode repose sur le "prompting", qui consiste à donner des consignes précises à l'IA pour guider la création de la trame, du ton et du style. Cependant, la qualité littéraire de ces œuvres est souvent critiquée : dialogues insipides, personnages sans profondeur et récits remplis de clichés. Cette industrialisation de l'écriture interroge la frontière entre création humaine et production automatisée. Les questions juridiques et éthiques sont tout aussi complexes. La TVA de 5,5 % applicable aux "œuvres de l'esprit" bénéficie également aux livres créés par IA, ce que les auteurs humains jugent injuste, car ces œuvres sont considérées comme des productions automatisées. Pour pallier ce flou, certains acteurs proposent un label "création humaine" pour distinguer les œuvres 100 % humaines. Les éditeurs et traducteurs, eux, craignent pour leurs emplois et imposent des clauses interdisant l'usage d'IA dans leurs contrats. Malgré cela, il est encore difficile de détecter si un livre est écrit par IA. De plus, des sites permettent de générer un livre complet en seulement deux minutes, alimentant l'idée que "tout le monde peut écrire un livre" en 2024. Cette situation pousse les professionnels de l'édition à demander une régulation accrue et une meilleure transparence des pratiques. Sur le plan créatif, l'IA est accusée de produire des œuvres conformistes et prévisibles. Son fonctionnement basé sur des prédictions à partir de bases de données préexistantes limite sa capacité à innover. Contrairement à un auteur humain, l'IA ne possède ni expérience du monde ni capacité à ressentir des émotions, ce qui empêche l'émergence d'une véritable originalité. Cette imitation est comparable au rôle de l'appareil photo en photographie : il capture des images, mais ne les "crée" pas. Certains critiques estiment que la création artistique nécessite de sortir des sentiers battus, d'inventer au-delà du connu. Des écrivains expérimentent néanmoins des formes littéraires hybrides inspirées de l'Oulipo, où l'IA devient un outil d'exploration de nouveaux récits. Cette démarche, plus assumée et transparente, pourrait redonner du sens au lien entre créativité humaine et automatisation. Enfin, la question de la complémentarité entre l'homme et la machine se pose. Plutôt que de voir l'IA comme une menace, certains y perçoivent une opportunité de redéfinir la création artistique, à l'image de l'influence de la photographie sur la peinture au XIXe siècle, qui a favorisé l'émergence de l'impressionnisme. De la même manière, l'IA pourrait pousser les auteurs à se réinventer et à produire des œuvres plus singulières. Cependant, il reste essentiel de préserver la capacité humaine à penser, raisonner et interpréter le monde. La véritable révolution se joue non pas dans l'opposition entre l'homme et la machine, mais dans leur symbiose. Cette coopération exige des règles de transparence, une éthique claire et une réflexion collective sur la nature de la création à l'ère des algorithmes.