viernes, 7 de febrero de 2025

Penser le droit à la ville






 
Henri Lefebvre a marqué la pensée urbaine et sociale du XXe siècle. Initialement proche du Parti communiste et du surréalisme, il s’est progressivement éloigné du stalinisme tout en restant ancré dans une analyse marxiste des rapports sociaux. Son ouvrage Le Droit à la Ville, publié en 1968, demeure une référence incontournable pour les urbanistes et architectes du monde entier, influençant particulièrement les chercheurs en Amérique du Nord et du Sud. Professeur à Nanterre en 1968, il a contribué à la critique des villes productivistes et technocratiques, dénonçant la ségrégation spatiale imposée aux classes populaires par l’urbanisme moderne. Il perçoit la ville comme un espace de rencontres, de contestation et de pouvoir, une dynamique mise à mal par l’éloignement des classes populaires vers des ensembles standardisés et éloignés des centres urbains. Dans les années 1960-1970, la France a entrepris un vaste programme de résorption de l’habitat insalubre, donnant naissance aux grands ensembles, souvent relégués en périphérie et mal desservis. Lefebvre souligne alors un paradoxe : bien que les classes populaires gagnent en confort, elles perdent leur influence et leur droit à la centralité urbaine. Il identifie une tendance mondiale d’urbanisation effrénée menant à la dissolution des villes traditionnelles, autrefois lieux de convergence, de décision et d’échange. Son concept de « droit à la ville » ne se limite pas au logement, mais revendique la participation active des citoyens à la fabrique urbaine. Cette critique prend encore plus de sens aujourd’hui, alors que les acteurs économiques et les grandes entreprises jouent un rôle croissant dans la planification des métropoles, au détriment des pouvoirs publics et des habitants. Face à la métropolisation et à l’expansion urbaine, la question de la place des classes populaires dans la ville reste centrale. Pour éviter leur exclusion, il est essentiel de préserver et moderniser le logement social, garantissant ainsi un accès équitable aux centres urbains. En parallèle, la tendance à la privatisation croissante de l’espace public menace la diversité et la spontanéité des villes, transformées en simples lieux de consommation. L’étude récente de l’Ifop révélant un lien entre éloignement des gares et vote pour l’extrême droite illustre bien ce phénomène : l’exclusion physique des centres urbains entraîne un sentiment d’isolement et de déclassement. Le Grand Paris Express représente une opportunité pour reconnecter ces territoires, mais le projet global du Grand Paris manque encore d’une gouvernance démocratique transparente. Enfin, les architectes, autrefois figures influentes du débat public, voient leur rôle fragilisé par la concentration des agences et leur dépendance croissante aux acteurs privés. La disparition de nombreuses petites agences et la soumission aux grands groupes réduisent leur marge de manœuvre et leur capacité à penser une ville plus inclusive. Cette tendance favorise l’uniformisation des espaces urbains et l’effacement progressif de l’espace public. La question centrale reste donc : comment réaffirmer une urbanisation démocratique qui préserve la diversité et l’accessibilité des villes, en garantissant à tous un véritable droit à la ville ?