Paul Chemetov, architecte et urbaniste, met en avant une vision de l’architecture ancrée dans le quotidien et l’ordinaire, loin du spectaculaire et des grandes démonstrations esthétiques. Il défend une approche pragmatique où l’architecture doit être au service des habitants, en valorisant la qualité d’usage et l’intégration urbaine. Lors de la 37ᵉ édition du prix de l’Équerre d’Argent, qu’il a présidée, les projets primés témoignent de cette philosophie : des réalisations modestes mais bien pensées, comme une résidence pour apprentis et un centre des Restos du Cœur à Paris, ou encore des logements sociaux à Dijon. Selon lui, l’architecture ne doit pas être uniquement celle des grands projets iconiques, mais aussi celle du quotidien, apportant dignité et bien-être aux espaces où vivent les citoyens. Chemetov insiste également sur la place du béton, souvent décrié, mais qu’il considère comme un matériau essentiel et évolutif. Il rappelle que la mauvaise réputation du béton provient de son usage abusif et mal maîtrisé, et non de ses qualités intrinsèques. La question de l’imperméabilisation des sols, liée à la multiplication des lotissements pavillonnaires, est aussi au cœur de ses préoccupations. Il critique la tendance à l’individualisation excessive de l’habitat, qui isole les habitants au lieu de favoriser un véritable espace commun. Pour lui, l’architecture doit préserver et structurer ces lieux de sociabilité et de partage, à l’inverse de la fragmentation urbaine que l’on observe dans certaines périphéries. Sur le plan politique et social, Chemetov salue l’appropriation des ronds-points par le mouvement des Gilets jaunes, qu’il voit comme un acte révélateur d’un besoin de réinvestir l’espace public. Il critique la manière dont l’urbanisme contemporain cloisonne les individus et réduit les lieux d’interaction. L’architecture, selon lui, doit contribuer à créer du lien plutôt qu’à renforcer les divisions spatiales et sociales. Enfin, sur la question de la reconstruction de Notre-Dame de Paris, il prend ses distances avec les polémiques actuelles et rappelle que l’acte de bâtir nécessite compétence et humilité. Il rejette l’idée d’un concours de vanité autour de cette restauration et souligne l’importance de respecter l’histoire du monument tout en s’adaptant aux réalités contemporaines.