Marcello Mastroianni incarne une vision singulière du métier d’acteur, oscillant entre humilité et lucidité sur les réalités de la célébrité. Son rapport au public et à l’image qu’on lui attribue illustre les paradoxes du statut d’icône : adulé sur l’écran, il peut pourtant passer inaperçu dans la rue, car le public attend une présence mythifiée plutôt qu’un homme ordinaire. Cette réflexion souligne la construction artificielle de la célébrité et la déconnexion entre l’acteur et l’image qu’il projette. Refusant d’être enfermé dans le rôle du séducteur latin après La Dolce Vita, il a délibérément choisi des rôles allant à contre-courant de cette image, révélant ainsi son souci d’authenticité et sa volonté de ne pas être réduit à une caricature. Cette démarche traduit une forme de résistance à l’industrie cinématographique, qui cherche souvent à figer les acteurs dans un type bien précis pour répondre aux attentes du marché. Son choix de ne pas tenter l’aventure hollywoodienne témoigne également de son attachement à un cinéma plus intimiste et intellectuel, éloigné du système des studios. Pourtant, il reconnaît que le cinéma américain a évolué et gagné en profondeur, tout comme il admet l’importance des rencontres avec des réalisateurs capables de transcender le jeu d’un acteur. Pour lui, l’essence du cinéma réside dans cette collaboration, où la confiance mutuelle permet de créer des œuvres marquantes. Il cite ainsi Fellini, Ferreri et Visconti comme des figures majeures ayant influencé son parcours, insistant sur la complicité artistique qui naît entre un cinéaste et son interprète. Cette perspective met en lumière la dualité du métier d’acteur : à la fois instrument du réalisateur et créateur de son propre mythe, il doit naviguer entre soumission et affirmation de soi. L’âge et le passage du temps constituent une autre thématique centrale dans sa réflexion. Conscient que l’industrie du cinéma peut rapidement délaisser ses figures emblématiques au profit de nouvelles générations, il anticipe cette transition en diversifiant ses rôles. Il évoque notamment la nécessité d’accepter le vieillissement et de ne pas s’accrocher à une jeunesse artificielle, préférant embrasser des personnages plus complexes et en adéquation avec son âge. Ce pragmatisme contraste avec l’angoisse qui accompagne souvent les acteurs en fin de carrière, illustrant une maturité et une vision du métier fondée sur l’adaptation plutôt que sur la nostalgie. Il prend pour exemple Anna Magnani, immense actrice qui a pourtant souffert de l’éphémérité du succès, soulignant ainsi la précarité inhérente à cette profession. Au-delà de son statut d’acteur, Mastroianni se perçoit avant tout comme un homme ordinaire, façonné par son éducation modeste et un certain fatalisme face aux aléas de la vie. Il rejette l’idée d’une retraite paisible et exprime le besoin constant de travailler pour se sentir vivant. Son approche de la célébrité reste empreinte de simplicité et de détachement, à l’image de son rapport aux honneurs et à la reconnaissance publique. Pour lui, le cinéma n’est pas seulement un moyen de gagner en notoriété, mais une forme d’expression et de communication avec le monde. Cette posture, à mi-chemin entre lucidité et insouciance, confère à Mastroianni une aura unique dans l’univers du cinéma, celle d’un homme qui, malgré la gloire, n’a jamais cessé d’être lui-même.