viernes, 7 de febrero de 2025

STENGERS




 


L'échange met en avant une réflexion approfondie sur l'époque actuelle, marquée par une transition incertaine entre modernité et postmodernité, avec des crises multiples (sociales, écologiques, politiques). Isabelle Stengers insiste sur la destruction du sens commun sous l'effet du néolibéralisme et du scientisme autoritaire, prônant une réhabilitation des savoirs vernaculaires et une écologie des pratiques. Laurent Jean-Pierre, quant à lui, explore la reterritorialisation de la politique, illustrée par des mouvements comme les Gilets jaunes ou les ZAD, insistant sur la nécessité d’un ancrage concret pour une transformation sociale. La question de l’utopie est abordée de manière critique : Stengers et Jean-Pierre rejettent l’utopie comme un modèle figé et idéaliste, lui préférant des "utopies réelles", c’est-à-dire des expérimentations concrètes ancrées dans le présent. L’utopie, dans son acception classique, est vue comme un piège idéologique, alors que la science-fiction et la rêverie diurne sont perçues comme des outils plus féconds pour imaginer d’autres mondes possibles. Ils mettent aussi en garde contre les utopies construites par les entreprises et l’État, qui reproduisent souvent des logiques de domination. L’urgence écologique est examinée sous l’angle du "temps de la fin" plutôt que de la "fin des temps", afin d’éviter un discours apocalyptique qui risquerait de paralyser l’action politique. Stengers insiste sur le fait que l’intrusion de Gaïa ne doit pas être sacralisée, mais pensée comme un défi à relever collectivement. Jean-Pierre souligne l’importance d’observer comment les croyances eschatologiques peuvent parfois générer des mobilisations transformatrices. Enfin, la discussion se termine sur les tensions internes aux luttes alternatives, notamment dans les ZAD, où des contradictions et des conflits émergent, nécessitant des formes de régulation nouvelles.