Henri Matisse discute de son amour pour la danse comme thème récurrent dans son œuvre. Il évoque ses inspirations pour ses compositions murales, notamment la danse réalisée pour Moscou, inspirée des observations de danses populaires au Moulin de la Galette. La farandole, en particulier, l’a marqué par son rythme joyeux et spontané. Lorsqu'il travaillait sur une composition, Matisse chantait souvent les airs qu'il avait entendus, ce qui influençait la cohérence et l'harmonie de ses créations. Il explique également que ce thème préexistait souvent à la commande, car il le ressentait intimement comme une forme expressive et rythmée proche de la musique. Matisse aborde aussi les défis techniques de la peinture murale, comme à la Fondation Barnes à Philadelphie. Là, il a adapté la composition pour un plafond, jouant sur des figures fragmentées pour donner une illusion de grandeur et d'immensité dans un espace limité. Malgré la lumière du contre-jour et la verdure environnante, il a su créer des contrastes et une palette aérienne qui s’harmonisaient avec l’environnement, tout en respectant la présence d’œuvres maîtresses de Renoir et Cézanne dans la même salle. Matisse insiste sur la dimension spirituelle de l'art, affirmant que tout véritable art est religieux dans le sens où il élève l'esprit. Il estime que l'art décoratif, comme dans la chapelle de Vence, transcende les limites physiques des murs pour offrir un sentiment d'immensité et de sérénité. Il souhaitait que ses œuvres dégagent une légèreté propice à la réflexion et à l’apaisement, que ce soit pour un spectateur croyant ou non. Interrogé sur les différences entre peinture, sculpture et dessin, Matisse les voit comme des moyens parallèles visant le même horizon : l'expression de l'âme humaine. Pour lui, le dessin est une peinture avec des moyens réduits, mais tout aussi capable de transmettre une émotion. Quant à l’illustration de textes, il considère qu’elle ne doit pas expliquer ou compléter l’écrit, mais plutôt l’enrichir par une vision plastique qui dialogue avec l’œuvre littéraire. Matisse explique pourquoi ses figures humaines manquent parfois de traits distincts, comme des yeux ou une bouche. Il cherche à éviter que l’attention du spectateur se fixe sur des détails spécifiques. En omettant ces éléments, il libère l'imagination, permettant au spectateur de ressentir le tableau dans son ensemble, comme une composition orchestrale où chaque élément participe à l'harmonie globale. Cette approche reflète sa volonté d’élever l'esprit tout en laissant une grande liberté d'interprétation. L'entretien illustre la quête artistique de Matisse : créer des œuvres qui transcendent la réalité immédiate pour offrir des émotions universelles et profondes, tout en maintenant un équilibre entre la rigueur technique et la liberté expressive.