Serge Gainsbourg revient sur son parcours avec une lucidité mordante et une ironie acérée. Évoquant ses débuts dans les cabarets de la Rive gauche, il confie avoir traversé cette période avec un profond sentiment de mal-être, se jugeant mal à l’aise dans sa peau et sceptique quant à son avenir dans la chanson. Malgré tout, il persévère et trouve un succès mondial, notamment grâce à des œuvres marquantes comme "Je t’aime… moi non plus", qui, bien que censurée en France, rencontre un écho international. Ce succès, teinté de provocation, illustre selon lui la complexité de son rapport à son art, oscillant entre cynisme et quête de perfection. Gainsbourg reconnaît avoir considéré la chanson comme un "art mineur", regrettant parfois de ne pas s’être consacré pleinement à la peinture, qu’il qualifie d’art majeur. Cette ambivalence se retrouve dans son attitude face à la célébrité : elle lui offre une liberté totale, mais il s’efforce de protéger farouchement sa vie privée, érigée en sanctuaire inaccessible. Sur un plan personnel, il admet porter les marques d’un passé douloureux, notamment son expérience de l’étoile jaune durant l’Occupation, qu’il évoque avec retenue. Cette blessure influence sans doute son regard sur le monde, mêlant mélancolie, cynisme et humour noir. À 46 ans, après une crise cardiaque, Gainsbourg aborde la vie avec une conscience accrue de sa mortalité. Il dit se dépêcher de créer, bien qu’il doute de l’importance de laisser un héritage. S’il se moque des notions de postérité, il trouve encore du sens dans ses passions : la musique classique, la peinture, et ses liens avec ses proches. Entre désenchantement et résilience, Gainsbourg se révèle dans cet entretien comme un homme complexe, à la fois artiste exigeant et personnage insaisissable, habité par un mélange unique de provocation et de sensibilité.