viernes, 22 de noviembre de 2024

André Gide Interview


De l’indignation face au colonialisme à l’adhésion au communisme. Le retour du Congo fut pour moi un choc moral profond. J’y ai vu les ravages de ce que les nations dites "civilisées" imposent aux peuples colonisés, et la tragédie de Brazza, désillusionné par ce que la France avait fait de son œuvre, illustre ce désastre. Cette confrontation directe avec l’exploitation et la misère m’a indigné. Cette indignation m’a conduit à chercher une alternative sociale et politique à l’injustice. Je me suis alors tourné vers le marxisme, y voyant un espoir d’émancipation par la création d’une société nouvelle et la fin de l’exploitation de l’homme par l’homme. Pendant plusieurs années, j’ai adhéré aux théories communistes avec enthousiasme, voire aveuglement. Je croyais sincèrement en la possibilité d’un avenir meilleur, porté par une société égalitaire. Pourtant, même dans mon engagement, je restais prudent, refusant de m’inscrire officiellement au parti, bien que j’aie soutenu publiquement ses idées et assumé un rôle militant. L’expérience soviétique : entre désillusion et gloire fugace. Mon voyage en URSS, entrepris avec des compagnons comme Pierre Herbart, fut une expérience marquante. L’accueil triomphal réservé aux visiteurs étrangers, les banderoles proclamant "André Gide, le plus grand écrivain français", tout cela frôlait le ridicule. Bien que j’aie ri de cette mise en scène avec mes amis, l’atmosphère oppressante et les signes de surveillance constante nous pesaient. Nous avions des "anges gardiens" qui suivaient tous nos pas, et je regrette aujourd’hui de ne pas avoir tenu de journal pour témoigner plus précisément des incidents révélateurs. Un moment clé fut cet avertissement discret d’un employé de l’hôtel : "Ne prenez pas l’avion." Ce conseil, murmuré dans une atmosphère de méfiance, révélait l’ambiance tendue et contrôlée du régime. Ce voyage, bien qu’enthousiasmant par moments, a marqué le début d’une désillusion qui allait s’approfondir. Une remise en question douloureuse. En URSS, j’ai compris que mes idéaux se heurtaient à une réalité bien différente. Malgré mon engagement sincère, la rigidité du dogme marxiste et l’orthodoxie imposée m’étouffaient. Je me suis rendu compte que le régime que j’avais soutenu ne tenait pas ses promesses et qu’il se livrait à des pratiques contraires à mes principes. Aujourd’hui, relire mes écrits de cette époque, où je louais la Russie soviétique, me fait frémir. Pourtant, replacées dans le contexte, ces convictions traduisaient un besoin sincère de croire en un monde meilleur. Cette expérience, bien qu’amère, a été formatrice. Elle m’a permis d’élargir ma compréhension du monde et de ses contradictions. Si ces années ont semblé "perdues pour la littérature", elles ont nourri ma pensée et affiné mon regard critique sur les idéologies.