Je tiens d’abord à adresser mon salut respectueux à l’Académie suédoise pour l’honneur retentissant qu’elle m’a fait. C’est un privilège que l’on n’accepte pas sans quelque crainte, car il rappelle la responsabilité qui l’accompagne. Si je ne crois pas avoir encore mérité cette distinction exceptionnelle, je garde l’espoir de produire des ouvrages qui justifieront mieux la confiance que vous m’avez témoignée. Recevez, messieurs, l’hommage de ma gratitude profonde. Obéissant aux obligations liées à cette haute distinction, me voici devant vous pour parler de mon œuvre. Permettez-moi d’évoquer Jean Barrois, un roman commencé en 1910 et publié à l’aube de la Grande Guerre. Ce livre, que je considère comme une enquête sur l’homme et son mystère, relate l’histoire d’un individu traversant les crises de la foi, de la raison et du doute. Le parcours d’un esprit libre. Jean Barrois, élevé dans la ferveur catholique, découvre à l’adolescence les affres du doute. « Penser, c’est toute une aventure », et pour comprendre, il doit d’abord cesser de croire. En rompant avec les dogmes de sa jeunesse, il devient un libre penseur, se lance avec ardeur dans l’affaire Dreyfus et fonde une revue militante. Mais la vieillesse et la maladie transforment ce lutteur intrépide : face à l’inconnu de la mort, il cherche un réconfort spirituel. Barrois nous enseigne que « la foi n’est pas tant un acte d’intelligence qu’un acte de sensibilité ». Son testament, écrit en pleine vigueur, rejette pourtant cette capitulation de la fin, car « il n’est rien de plus poignant que de renier son propre passé ». Ce drame individuel illustre les tensions éternelles entre la raison et les besoins profonds du cœur humain. Une œuvre ouverte sur l’homme. Je ne suis pas un auteur à thèse. Mon intention n’est pas de prouver, mais d’explorer. Jean Barrois est un document humain, non une doctrine. Il n’offre pas de réponse définitive, mais soulève des questions universelles sur le sens de la vie, les conflits de conscience, et le besoin d’espérance. Car « le vrai sujet d’étude pour l’humanité, c’est l’homme lui-même ».